Reconnaissance de l'héritage volcanogène d'une minéralisation de sulfures massifs en zone de forte déformation : le cas type du gisement de la mine Langlois, Lebel-sur-Quévillon, Abitibi

Luc Théberge, Thèse de Doctorat.

Projet de doctorat en ressources minérales sous la supervision du Dr Réal Daigneault.

Description du projet

La mine Langlois (Breakwater Ressources ltd) est située à quarante km au nord-est de la ville de Lebel-sur-Quévillon, Abitibi. La mine exploite trois lentilles tabulaires de sulfures massifs zincifères (no. 97, 3 et 4 du nord au sud) encaissées par des volcanoclastites rhyodacitiques (tufs). Les lentilles et les volcanoclastites sont recoupées (délaminées) par un essaim de dykes mafiques (gabbros) et par quelques dykes intermédiaires (diorites) et felsiques (diorites quartzifères - granodiorites); les intrusions mafiques constituent environ 60% du volume de roches cartographiées autour du gisement. Quelques rares unités de basaltes et d'andésite sont retrouvées au sud de la lentille 4, à l'extérieur de la mine. Quelques dykes felsiques alcalins syn- à tarditectoniques et des diabases protérozoïques complètent l'éventail des lithologies.

L'ensemble des lithologies est affecté par la zone de déformation de Cameron (ZDC), un couloir d'extension régional (2-5 x >50 km) orienté ESE caractérisé par un cisaillement dextre. L'ensemble des unités de même que les lentilles sont transposées parallèlement à la schistosité mylonitique N120° subverticale. La forte transposition, la schistosité pénétrative, les linéations d'étirement bien développées et la destruction presque complète des textures pétrographiques primaires soulignent l'intensité de la déformation pendant le métamorphisme qui a atteint le faciès des schistes verts supérieur. Outre la mylonitisation des roches, les sulfures massifs montrent aussi des indices de déformations élevées (recristallisation, rubanement, texture durchbewegung) et de remobilisation mécanique et chimique (sulfures en percement, boudinage, bréchification). Ces transformations tectonométamorphiques ont modifié à divers degrés les particularités gîtologiques primaires du gisement; notre étude vise à comprendre ces modifications reliées à l'évolution structurale de la ZDC. Nous avons recherché à retracer les caractères typiquement volcanogènes de la minéralisation afin de reconstruire l'environnement initial lors de la mise en place du gisement.

La documentation de l'héritage volcanogène pour la minéralisation s'est articulée par la cartographie des faciès de sulfures et d'altérations développés dans les volcanoclastites. Les lentilles sont formées principalement par des sulfures massifs qui s'anastomosent avec des faciès semi-massifs et disséminés. Dans les épontes et vers les extrémités des lentilles, les faciès massifs passent graduellement à des faciès semi-massifs à disséminés. Le cœur des lentilles est dominé par des faciès massifs à pyrite et sphalérite ± magnétite, pyrite et magnétite ou à pyrite seule. Les épontes y sont principalement séricitisées, avec de la pyrite et de la sphalérite disséminée ou en veinules. La partie inférieure-est se caractérise par des faciès semi-massifs contenant une plus grande proportion de chalcopyrite et de pyrrhotite, encaissés ou bordés à l'éponte nord par des schistes à chlorite noire: ce faciès est semblable aux cheminées d'altération hydrothermale volcanogène reconnues dans les sulfures massifs non déformés. La zone à chlorite noire se poursuit vers le centre des lentilles dans l'éponte nord sous forme de minces unités (< 2 mètres) dans les schistes à séricite. Vers l'ouest et la partie supérieure des lentilles, on note une silicification de plus en plus importante des épontes (au détriment de la séricite) et une diminution graduelle de la quantité de sphalérite dans les faciès massifs. La carbonatation précoce (antérieure à la minéralisation) généralisée et la silicification importante des volcanoclastites minéralisées, de même que la distribution des faciès d'altération riches en séricite et en chlorite en minces unités subparallèles aux lentilles, constituent les principales particularités du système d'altération développé autour des lentilles.

L'analyse des données lithogéochimiques a permis de reconnaître l'affinité magmatique transitionnelle (Zr/Y± 5) et le contenu très élevé en Zr et TiO2 (±540ppm et ±0,25% respectivement pour les échantillons les moins altérés) des volcanoclastites rhyodacitiques. Les dykes mafiques ont un caractère principalement transitionnel, ou plus rarement tholéiitique (Zr/Y= 3,5 à 7,5) avec le Zr allant de 70 à 180ppm. Les intrusions intermédiaires sont transitionnelles à calco-alcalines (Zr/Y= 4,9 à 9,2) avec une concentration de Zr assez élevée (160 à 280ppm). Les dykes felsiques ont une affinité transitionnelle à légèrement calco-alcaline (Zr/Y= 4,8 à 8,9), le contenu en Zr variant de 160 à 460 ppm.

Les diagrammes utilisant les oxydes majeurs en fonction du Zr permettent de visualiser la différence entre les intrusions et les volcanoclastites au niveau des contrôles responsables de leurs signatures géochimiques. Pour les dykes, la distribution des oxydes montre une tendance typique de fractionnement magmatique. Les volcanoclastites felsiques se caractérisent par des tendances contrôlées par l'altération hydrothermale: le comportement des oxydes permet d'identifier les altérations classiques des sulfures massifs volcanogènes telle la destruction des plagioclases (diminution du CaO et Na2O avec les hausses et les baisses en Zr) jumelée à la silicification (augmentation de SiO2 et diminution de Al2O3 et TiO2 liées à la diminution de Zr), à la chloritisation (augmentation simultanée du FeO, MgO, TiO2, Al2O3 et Zr avec la baisse du SiO2) et à la séricitisation (hausse en K2O et Zr avec la baisse en SiO2).

Le comportement des oxydes majeurs des volcanoclastites en fonction de la position des échantillons par rapport aux lentilles de sulfures massifs fait ressortir à l'éponte nord le lessivage important du Na2O et du CaO et l'augmentation progressive en K2O; en marge des sulfures massifs, on note des gains ou des pertes faibles à extrêmes en K2O et SiO2 et des gains moyens à forts en Fe2O3, MgO, Al2O3 et TiO2. L'éponte sud se distingue nettement de l'éponte nord par une baisse minime en Na2O et nul CaO et SiO2 et aucune augmentation significative en Fe2O3 et MgO, TiO2 et Al2O3 près des sulfures massifs. Cette zonation géochimique des altérations confirme le développement d'un mur chimique à l'éponte nord des lentilles (où se situe les conduits hydrothermaux) et d'un toit chimique à l'éponte sud, tel que semble le suggéré la distribution des faciès d'altération et de sulfures. Cette asymétrie géochimique et minéralogique, jumelée au fait que les contacts lithologiques sont parallèles à la schistosité N120° de la ZDC, permet d'établir un sommet stratigraphique vers le SSO (N210°) dans l'entourage de la mine Langlois.

L'examen des calculs de changements de masse (méthode à précurseur unique; MacLean et Barrett, 1993) des oxydes majeurs font ressortir les gains en Fe2O3 et en MgO (jusqu'à +13,8 et +11,64 gr respectivement) et les pertes en SiO2 extrêmes (-60,29 gr) causées par la chloritisation. La séricitisation s'exprime par des gains en K2O allant jusqu'à +1,88 gr (230 % d'augmentation) parfois jumelée avec des pertes en SiO2 de —33,33 gr. Les gains de masse les plus importants sont dus à la silicification parfois très forte (+51,06 gr de SiO2); souvent, tous les autres oxydes mobiles subissent des pertes de masses engendrées par une silicification aussi intense. Dans l'ensemble à l'éponte nord des lentilles, on note des bilans de masse positifs forts à moyens (silicification ± carbonatation ± séricitisation) passant à des bilans négatifs extrêmes (chloritisation, séricitisation) au contact immédiat (moins de 5 mètres) des sulfures massifs. L'éponte sud possède des bilans généralement positifs. Les calculs de bilans de masse ont permis de reconnaître la silicification (gains en SiO2) au mur et au toit des lentilles, dans les unités de volcanoclastites qui les encaissent, confirmant les observations de terrain. Cela suggère la possibilité d'une mise en place des lentilles en dessous et au dessus d'unités rendues imperméables ("cap rock") aux fluides minéralisateurs.

Les principales caractéristiques gîtologiques de la mine Langlois sont comparables à de nombreux dépôts de SMV de la SPA encaissés par des séquences volcanoclastiques moins déformées comme la mine Horne et la mine Mobrun. La genèse de ces minéralisations, apparentées au type Mattabi, a été interprétée comme des remplacements d'unités volcanoclastiques à porosité élevée en dessous la surface du fond marin sous une profondeur d'eau relativement faible (<500 m). Basée sur ces similitudes, il apparaît possible que les sulfures massifs de la mine Langlois aient été générés par les mêmes processus et constituraient un gisement apparenté au type Mattabi.

L'influence du cisaillement dextre sur la modification de la relation géométrique initiale entre les lentilles de sulfures massifs et le litage sera modélisée afin de permettre une reconstruction des paléo-environnements probables lors de la mise en place des sulfures et de mieux comprendre le contexte tectonostratigraphique actuel.


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